Saisi par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international (COSIS), le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) a rendu le 21 mai 2024 un avis consultatif concernant les obligations climatiques au regard de la Convention des Nations Unies, dite de Montego Bay pesant sur les États parties. Le TIDM, organe judiciaire indépendant, a été créé pour régler les questions d'interprétation et d'application Convention de Montego Bay. Selon lui, les États parties ont notamment une obligation de diligence de niveau élevé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine résultant des émissions anthropiques de gaz à effet de serre", une obligation qui peut "appeler des mesures de restauration des habitats et des écosystèmes marins".
Les questions soumises à l'avis du Tribunal
Les questions posées par la COSIS au TIDM étaient au nombre de deux. La première concernait les obligations particulières des États Parties à la Convention de Montego Bay de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin eu égard aux effets nuisibles qu’a ou peut avoir le changement climatique. La deuxième portait sur les possibles obligations de protéger et préserver le milieu marin eu égard aux incidences du changement climatique.
Ces questions mettaient notamment en lumière plusieurs conséquences du changement climatique sur les océans, telles que le réchauffement des eaux, l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans, ainsi que les effets combinés du réchauffement et de la montée des eaux.
Les réponses fournies par le Tribunal
Les liens entre émissions de GES et pollution marine
Pour le Tribunal, les émissions par les activités humaines de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère constituent une pollution du milieu marin au sens de la Convention.
Le Tribunal reprend le dernier rapport du GIEC, en précisant, entre autres, que « [l]a fréquence accélérée des vagues de chaleur marines augmentera les risques de perte de biodiversité dans les océans, notamment en raison d’événements de mortalité massive ».
L'intégration des obligations relatives aux changements climatiques
Le Tribunal souligne qu’il est possible de se référer à « toute règle pertinente de droit international applicable ». À cet égard, il met en avant l’article 194, paragraphe 1, de la Convention de Montego Bay, qui impose aux États l’obligation de « protéger et préserver le milieu marin ». Il estime également que cet article partage un objectif commun avec l’Accord de Paris : la réduction de la pollution.
Les obligations des États
L’obligation découlant de la Convention de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine résultant des émissions anthropiques de GES est une "obligation de diligence requise", une obligation qui peut "appeler des mesures de restauration des habitats et des écosystèmes marins". Selon le Tribunal, le "niveau de diligence requise est élevé, compte tenu des risques aigus de préjudice grave et irréversible au milieu marin que font peser [l]es émissions" et les États doivent "s’efforcer d’harmoniser leurs politiques" à cet égard. Il s'agit d'une obligation de diligence requise. Le Tribunal précise que "le niveau de diligence requise est élevé, compte tenu des risques aigus de préjudice grave et irréversible au milieu marin que font peser ces émissions. Toutefois, la mise en œuvre de l’obligation de diligence requise peut varier en fonction des capacités des États et des ressources dont ils disposent.".
Enfin, les États Parties ont aussi l’obligation particulière de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les émissions anthropiques de GES relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne causent pas de préjudice par pollution à d’autres États et à leur environnement.
Conclusion
Cet avis marque un tournant dans la lutte contre les changements climatiques en droit international, en affirmant qu’un État peut être tenu responsable par le Tribunal pour l’insuffisance de mesures de prévention et de protection contre les activités émettrices de gaz à effet de serre (GES) et contribuant à la pollution marine.
Cependant, cet avis n’est pas le seul attendu sur les obligations des États en matière de changements climatiques en droit international. La Cour internationale de justice (CIJ) devrait prochainement rendre un avis sur les responsabilités climatiques des États (voir la contribution de la Green Rights Coalition). De plus, en janvier 2023, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été saisie par le Chili et la Colombie afin de préciser la portée des obligations des États face à l’urgence climatique dans le cadre du droit international des droits de l’homme.
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